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Toujours en faire des tonnes...

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"Boulette(s)"

--> petites critiques de films en vrac (version forum)



 

 LES FILMS

 

 

BARA NO SOURETSU (A Funeral Procession of Roses)



Au cours d'une rétrospective sur "la ville et le cinéma", j'ai eu le plaisir de voir le premier grand film gay de l'histoire du cinéma japonais: Bara no Souretsu (Funeral procession of Roses)...
Réalisé en 1969 par MATSUMOTO Toshio, le film s'inscrit en plein dans la Nouvelle Vague japonaise - représentée principalement par Oshima Nagisa, Shinoda Masahiro ou encore Yoshida Kiju, dont le monumental EROS+MASSACRE propose une scène d'introduction absolument identique à celle de cette Procession: une scène d'amour au blanc très clair. Ici, il est d'abord très difficile de reconnaître le sexe de l'amant(e), le ou la jeune Eddy (joué par un jeune "host" japonais nommé Peter, dont c'est le 1er film et qu'on retrouvera notamment dans Ran), mais le film n'est pas franchement centré sur l'identité sexuelle...plutôt sur l'identité tout court dans une époque débridée, en pleine mutation, celle de la fin des années 60.



En utilisant les techniques de la Nouvelle Vague (texte très écrit, distanciation, utilisation d'inserts textes) et en jouant sur plusieurs niveaux stylistiques (caméra au poing pour les scènes en extérieur, fixe à la Mizoguchi pour les intérieurs et accélérés sur fond de musique benny hillesque sur certaines digressions comiques), MATSUMOTO parvient à retranscrire cette atmosphère d'apocalypse joyeuse, entre mouvements étudiants, pacifistes ou nationalistes souvent extrêmement violents vus (de loin) comme autant de distractions bienvenues par une classe de jeunes désoeuvrés interlopes, contre culture nourrie à la drogue, au sexe, au jazz et à la littérature française (Baudelaire, Le Clézio même)...



C'est un de ces films mondes qui ne rendent pas tant compte d'une aventure que d'un univers, et il y parvient fort bien...
Ce conte oedipien de jeune homo au père absent qui finit par tuer sa mère et se crève les yeux quand il apprend au final que son amant est son père brasse les questionnements comme on brasse un alcool: l'argent, la morale ou son absence, l'impossible croissance, la contre culture, l'identité et les masques, figure récurrente - voir le maquillage comme protection ici, les perruques là ou la fausse barbe du jeune intello qui se fait appeler Guevara, ou encore l'exposition de tableaux de figures monstrueuses que le héros admire alors que la radio égrène une émission de psychologie jungienne...
Mais c'est surtout dans la peinture d'un milieu qu'il excelle: celui du Shinjuku des années 60 et ses bars à hôtes gays* (plus de 400 aujourd'hui...), des soirées enfumées qui tournent à la partouze (on croirait voir en images la fameuse scène de Bleu Presque Transparent), des jalousies entre "girls" et mères maquerelles, de tous les petits évènements qui font la vie - diurne et nocturne - de ces jeunes "gars dans le vent"...

Le tout sans arrêt nié, moqué, redistancé par une narration cyclique et ironique entrecoupée d'inserts documentaires sous forme d'interviews des acteurs (procédé repris l'année suivante par Imamura dans son Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar)...Les scènes de sexe notamment s'achèvent invariablement "en queue de poisson" par le "CUT" de l'assistant et un travelling arrière qui dévoile les caméras et le plateau alors que les acteurs se rhabillent...



Suite à la sanglante scène finale, un "speakrin" affable tiré à quatre épingles commente d'une voix enjouée "quel triste destin que celui de ce pauvre jeune homme maudit...Ah, et quelle oeuvre! Ce tragique et ce comique savamment entremêlés! Et sur ce, à bientôt chers amis!"

Le film reprend, caméra portée on redescend un couloir sombre, dans la lumière de la rue, le héros énucléé, semblable (encore) à un masque de cire, paraît sous le regard mi amusé mi indifférent de la foule...

Un dernier insert texte: "L'esprit de l'individu atteint son absolu dans la négation permanente"...
Négation et contradiction permanentes qui font de ce film un époustouflant voyage au bout de la nuit... (et un casse tête terrible pour celui qui veut en parler. Mais je vous épargne le gros de mes 3 pages de notes...)


La projection enchaînait alors sur le BULLET BALLET de TSUKAMOTO, que j'avais déjà vu il y a un moment à l'instar sans doute de pas mal de monde ici, je ne me suis donc pas attardé.
Il n'est plus question dans ce Ballet, 30 ans plus tard, de naïveté dans la luxure, de plaisir de jouir et de vivre jusqu'à s'en tuer. Place à l'élégie de la mort et de la douleur comme commencement et fin de toutes choses, et à un monde sans vie qui n'existe plus que par le béton, les parpaings et les pains tout court. La ville a bien changé.

*Marrant d'ailleurs que le conférencier insiste fortement sur la venue de Roland Barthes (l'un des 3 membres de la Sainte Trinité adorée par les universitaires japonais) en 68, dont la visite de ces quartiers gays aurait constitué le meilleur souvenir, en omettant soigneusement de signaler qu'il était lui même de ce bord...

EDIT: il s’agit une production indépendante. Le conférencier n'était pas très disert à ce sujet (à la base c'était un colloque d'architecture), et j'avoue ne pas avoir fait trop gaffe. Il disait juste que MATSUMOTO faisait partie des créateurs "cultes" de l'underground à cette époque, un genre de leader d'opinion si tu veux.. Par ailleurs, c'était une projection dvd, sous titrée. Le dvd est dispo. Noter que MATSUMOTO est aussi réalisateur d'une plus connue adaptation de DOGRA MAGRA ainsi que de Shura
Quelques infos ici:
http://www.imageforum.co.jp/matsumoto/mtm-br.html
ou là comme d'hab:
http://www.imdb.com/title/tt0064068/

 

NIPPON CHINBOTSU (La submersion du Japon)

 

J'ai eu la semaine derniere le "privilège" d'aller voir le blockbuster japonais de l’été : Nihon chinbotsu (« La submersion du Japon »), adaptation d’un roman des années 50 de Komatsu Sakyo, qui comme son titre l’indique décrit la destruction de l’archipel via éruptions, raz de marées et autres séismes et sa submersion finale suite à un effondrement de la plaque tectonique qui le soutient.
Heureusement, un géologue sur le retour et un jeune pilote de submersible scientifique (Kusanagi Tsuyoshi, du boys band SMAP, plutôt molasse) soutenu par son amie secouriste pour les besoins de la love story contractuelle (Shibasaki Kou, bébête mais décidée), vont sauver le pays de la catastrophe via une improbable opération de la dernière chance qui consiste ni plus ni moins qu’à sectionner la plaque tectonique en question par une série d’explosions en chaîne…

Fidèle à son sujet jusque dans ses errements mêmes, le film lui-même « sombre » assez vite dans une accumulation de clichés et d’incohérences qui en fera un met de choix pour les adeptes de soirées « série Z », mais son budget – conséquent – lui permet tout de même d’afficher de très présentables scènes de catastrophes naturelles qui visiblement clouèrent les spectateurs japonais à leur siège. En cela, il est un peu malhonnête car en faisant jouer le ressort de l’angoisse naturelle des Japonais face à ces phénomènes, son réalisateur savait sans doute qu’il avait partie gagnée avant même de l’avoir jouée, toutes les imperfections du film (parfois énormes) passant à la trappe de l’émotion du spectateur japonais face à la matérialisation de cette angoisse naturelle qui relève presque de l’archétype (cette phrase fait mal aux yeux en fait).

Pour le reste, le film reprend les ressorts d’un Day After Tomorrow (Centrer l’action sur quelques héros mais sans oublier le gang de « sympathiques vous et moi » pour l’identification, élargir de temps en temps l’échelle pour montrer que les sous sont là et que tout ça c’est pas de la blague – ahh, l’impuissance de l’homme face aux Eléments -, rameuter le (la) traditionnel(le) chef charismatique et des politiques/généraux butés, montrer un peu de largesse d’esprit en faisant appel à des pays d’ordinaire considérés comme ennemis ou inférieurs, providentielles terres d’asile, sans oublier le bon petit sacrifice final lors de l’ « opération de la dernière chance », les flonflons patriotiques et autres discours larmoyants…) Enfin bref, toutes les ficelles du genre, plus le petit côté naïf et un peu niais du « drama » japonais.

Pour un spectateur étranger isolé dans la salle devant cette improbable pièce montée, le plaisir sera donc plutôt d’ordre comique (pour les abus) et esthétique (pour les effets spéciaux), mais surtout sociologique.

A noter : le film est lui-même un remake d’une autre adaptation datant des années 70, assez amusante pour ses effets spéciaux à base de maquettes en carton, de majokit et de flaques d’eau. Un bon moment, un peu longuet cependant (à l’image de son remake..)

J'ai aussi vu le dernier Ghibli, mais comme j'ai du mal à faire court, j'ai préféré polluer le topic des mangasses...



GEDO SENKI (TALES FROM EARTHSEA)


De passage au Japon avant de prendre la route des Indes, j’en ai profité pour me rafraichir dans une salle obscure pour la sortie de la dernière production du Studio Ghibli, Gedo Senki (Chroniques de guerre de Gedo), adaptation de l'un des volets d'une série de romans d’heroic fantasy d'Ursula Le Guin , Tales From Earthsea, que je n’avais pas l’honneur de connaître, et que le prospectus de présentation du film compare aux Narnia et autres Seigneur des Anneaux (mmh).

En tous les cas, vaguement attiré par le titre épique et les affiches du film (dont l’une semblant librement inspirée d’une toile de Turner - elle-même reprise d’une œuvre de Lorrain pour les 15 secondes de culture confiture), j’étais aussi plutôt curieux de voir ce qu’allait donner le passage de relais du père au fils Miyazaki (Gorô), aux manettes sur cet opus.


Le rideau s’ouvre sur un texte « mythologique » à l’instar d’un bon vieux Seigneur des Anneaux : « Il fut un temps ou les hommes et les dragons vivaient en harmonie. Puis, les hommes choisirent l’eau et la terre, les dragons le vent et le feu, et les deux races furent à jamais séparées ».
S’ensuivent quelques considérations générales, notamment sur la rupture de l’équilibre du monde causée par l’avidité des hommes, puis le film proprement dit débute sur une scène de navire sous l’orage (Turner encore, mais là ca doit être mon imagination…). Deux dragons se battent dans le ciel, et le navire finit par arriver à bon port…

…Dans la capitale d’un pays qu’on devine en proie à la désertification (le bétail meurt dru, les habitants suivent…), dont le roi, brave homme au demeurant, cherche des solutions et interroge son Vieux Sage (marque déposée) sur la conduite à tenir, et sur l’étrange présage que constitue l’apparition des deux sauriens…

Dans un couloir sombre, un coup de poignard met un point final à ses réflexions. « Une ombre file dans la nuit, c’est un assassin qui s’enfuit… » etc, vous connaissez la suite. Noter cependant que l’assassin en question n’est autre que le jeune fils du roi, Allen, et que la structure narrative du film va dès lors se calquer étroitement sur celle de Mononoke Hime (ce qui n’était pas pour me déplaire) : tabou enfreint (le meutre oedipien pour Allen, celui du Tatarigami pour Ashitaka), départ nécessaire (fuite ou rituel à accomplir), les stigmates de la faute (l’Epée du Roi ou la cicatrice sur le bras)… Allen rencontre un mentor en la personne d’Aitaka, vieux magicien qui voyage de province en province pour des raisons inconnues (parallèle encore avec Ashitaka, guidé par l’espion du shogun), et s’engage sur la route de l’exil.

Le rythme est lent, plutôt majestueux, et le style graphique très classique, traditionnel : on a presque l’impression de voir un Ghibli des années 80, cette patte conférant au film un charme désuet qui va bien avec son atmosphère mélancolique, soutenue par une bande son malheureusement assez loin des compositions de Hisaishi (Terashima Tamiya à la baguette).

Le duo passe dans une mégalopole mélange d’architecture grecque et médiévale qui est avant tout une cristallisation des vices de la Cité moderne (drogues, pauvreté, crime, esclavagisme… Là encore, parallèle avec la ville d'Eboshi dans Mononoke Hime), dans laquelle Allen sauve Teru, une jeune fille au visage marqué - symbole des magiciens, caste impure dans cet univers -, mais est lui-même capturé par le Lapin, sbire sorti tout droit de Cagliostro à la solde de la Vilaine de l’histoire, la toute puissante sorcière Kumo (personnage typé Vador ou Palpatine).

Allen, qui l'a mauvaise (pardon....c'était plus fort que moi...), est délivré par son mentor en cours de route, et les deux se réfugient à la campagne, chez une vieille amie du magicien qu’elle appelle Gedo et non Aitaka.

L’explication du concept de Magie tel qu’il a cours dans cet univers faite alors par Gedo est assez intéressante : le pouvoir magique consiste ici à redonner aux choses leur vrai nom (incantations, donc), révélant ainsi leur véritable essence et pouvoir… J’ai pensé alors à cette injonction d’un jésuite à son élève tirée d’Underworld, sympathique roman de Don De Lillo :
« Tu ne voyais pas parce que tu ne sais pas regarder. Et tu ne sais pas regarder parce que tu ne connais pas les noms ».
Ce concept de magie comme force onomastique et vitaliste est d’ailleurs pour moi la trouvaille la plus sympathique du film..

Film dont nous atteignons alors la moitié, et dont la suite sera constituée d’allers retours entre la chaumière des héros et le château de la sorcière, jusqu’à la confrontation finale.
On apprend que celle-ci est à la recherche du Pouvoir Absolu qui lui confèrera la vie éternelle, pouvoir qu’elle propose à Allen – ou « Lebanenn » de son nom magique - de partager avec elle en sa qualité d’Elu (« rejoins-moi du côté obscur », et toute cette sorte de choses).
Bien sûr, ce pouvoir absolu menace l’équilibre du monde, par ailleurs déjà en cours de désagrégation..

Mais lors de la confrontation finale, au cours de laquelle la jeune fille sauvée plus tôt par le héros aura un rôle prépondérant (comme presque toujours chez Ghibli, on a un jeune couple de héros : fertilité, perspectives d’avenir de la jeunesse, etc) , les ambitions de la sorcière sont stigmatisées dans une dialectique humaniste simple (qui a dit « simplette » ?) qui permettra aux héros d’embrayer sur la morale générale du film : le désir de vie éternelle (de la sorcière) ou de mort (d’Allen, qui a tué son père sous l’emprise d’un mal de vivre digne d'Akutagawa et sa « vague inquiétude ») sont deux aspects d’une même maladie, à savoir la peur de la vie et surtout de sa finitude, qui est pourtant la condition même qui lui donne toute sa valeur…

Et sur ces belles paroles, le film s’achève sur des scènes de vie quotidienne campagnarde : labours, repas « en famille » dans la chaumière, etc… (Il y a encore une autre scène, mais j’essaie de ne rien « spoiler » d’essentiel)

On peut peut-être trouver dans cette succession de scènes d’Epinal la morale cachée du film : au diable l’heroic fantasy, les dragons, les rois, les sorcières et les chroniques de guerre épiques ; rien ne vaut les joies simples du quotidien ! La soupe ! Le travail manuel ! Le bon air de la campagne !

Ce qui expliquerait peut être pourquoi le film laisse à l’abandon la plupart des éléments qu’il a d’abord présentés comme constituants de son univers d’heroic fantasy, pourtant prometteurs d’un récit épique à la Nausicaa ou Mononoke Hime qu’on pressentait dans les premières minutes : la question de l’ « équilibre du monde » en péril ne sera finalement évoquée que quelques secondes comme élément-tabou dans la quête de pouvoir de la sorcière, les dragons enluminent l’incipit et la conclusion, et le reste est rapidement effleuré puis relégué dans le décor (la Ville, ainsi, qui semblait proposer un enjeu narratif fort, est expédiée en quelques minutes et ne servira que de contraste à la pureté de la Campagne).
La contradiction entre l’ampleur épique de l’univers et de sa mythologie présentés et ce que nous montre et nous dit finalement le film, cantonné à une échelle minuscule (pas plus, par exemple, qu’une dizaine de personnages actants), ajoutée à la langueur du rythme narratif, interpelle le spectateur : ou est passé le script ? Est-ce une introduction, une conclusion ? Le film n’adapte, il est vrai, qu’un seul volume sur les six que compte l’œuvre originelle.

Son titre lui-même évoquait une « chronique de guerre », on n’aura finalement qu’une petite querelle de magiciens, mais le réalisateur avait vendu la mèche dans la note d’intention qu’on pouvait lire sur le prospectus de promo du film : pour lui, les scènes les plus importantes sont les - nombreux - dialogues entre Allen et Aitaka (transmission de la « sagesse des anciens » aux « jeunes générations »), et l’ univers d’ heroic fantasy n’est donc qu’un enrobage, prétexte à une historiette qu’on pourrait rapprocher des « anecdotes édifiantes » de la tradition bouddhique japonaise, qui vise ici avant tout à faire réfléchir les dites « jeunes générations » sur les problèmes de l’Epoque, leur identité, leurs valeurs et celle de la vie en particulier. Le bon vieux refrain du « retour à l’essentiel », ou plus généreusement, une petite ode à la vie.

(Ce trop-plein d'explicite me rappelait ces mots lapidaires de Barthes sur la musique pompière : "l'art bourgeois veut toujours prendre ses consommateurs pour des naïfs à qui il faut macher le travail et surindiquer l'intention de peur qu'elle ne soit suffisamment saisie" - Dans Mythologies, bouquin très marrant par ailleurs)

Mais en sortant du cinéma, un coup de téléphone de l’autre bout du monde : me voilà tonton, comme Mitterrand.
Difficile de descendre ce film aux si belles intentions dans ces conditions…

Mais tout de même, sacrifier tout ce qui aurait pu en faire la grande fresque épique que tout semblait annoncer pour délivrer finalement une histoire et un message si simples, c’est un pari qui ne passera sans doute pas pour de nombreux spectateurs.

Certes, cette simplicité et cette fraicheur sont agréables après l’hystérie essoufflée (boursouflée ?) d’un Château Ambulant, mais comment ne pas s’interroger sur un hyatus aussi énorme ?
Il fallait ainsi retourner le slogan du film : « Mienu mono koso » (Ces choses qu’on ne peut voir [sont les plus importantes]) : on ne parle pas ici de magie, de dragons et de sombres pouvoirs invisibles à l’œil profane, mais de l’importance des petites choses de la vie, et bien sûr de la vie elle-même.

L’intention est louable, mais le message survivra t-il à la déception du spectateur dont l’œuvre n’aura suscité les attentes de grandeur épique que pour mieux les trahir ensuite ? Rien n’est moins sûr.

 

 

IMPRINT et SICK GIRL

 

…Je viens de voir 2 films de la série controversée de moyens métrages MASTERS OF HORROR.

Le premier, IMPRINT de Takashi Miike, ne présente strictement aucun intérêt.
Sous un prétexte d'île aux plaisirs maudite dans le Japon de Meiji, dans laquelle un Américain s'en va rechercher sa promise qu'il découvre morte dans des circonstances atroces, Miike nous repasse ses plats habituels de tortures aux aiguilles et d'adultères à toutes les sauces.
Le film, clairement tourné pour le marché étranger, ressasse complaisamment les clichés asiatisants; la direction d'acteurs y est catastrophique et le choix de tourner en anglais aboutit à une mixture insupportable de ridicule.
Le réalisateur a sans doute voulu avec cette chose improbable aller au bout de sa démarche: montrer qu'il se fout de tout, et surtout du cinéma.
Mais le vrai problème, c'est que sans l'humour, il ne reste de Miike que les outrances, ce qui est bien peu.

Le second, Sick Girl, réalisé par Lucky McKee (sic), est nettement plus amusant. L'histoire d'une entomologiste lesbienne qui, le jour même où elle parvient enfin à conclure avec la jolie demoiselle qui squatte le hall de son musée, reçoit un étrange insecte qui a tôt fait de semer la zizanie, et en l'occurence bien d'autres choses, dans son couple... Une petite historiette au côté série B assumé et au second degré bienvenu, qui se laisse regarder agréablement pour peu qu'on ne soit pas allergique aux insectes..

 

 

13 TZAMETI

 

…Je viens de voir le polar 13 Tzameti...
Bon et bien cette histoire de jeune maçon immigré attiré dans un "jeu de la mort" m'a laissé froid comme les barbaques que les organisateurs ramassent au sac plastique.
D'abord, la musique d'ascenseur est envahissante et irritante. Ensuite, il y a des trucs un peu gros: le coup de la lettre par la fenêtre, les flics qui relâchent gaiement le gus et la fin est plutôt téléphonée...
Plutôt que sur le petit frisson sadique (plus regardable qu'un Hostel, certes, mais est-ce si différent??) de la séquence du jeu lui-même - beaucoup trop longue à mon goût, j'aurais préféré que l'accent soit mis sur ce qu'il y a autour du jeu (les motivations des joueurs, des parieurs, l'enquête de police surtout...il y avait là matière à faire un bon polar...
Par contre, j'ai bien aimé le jeu des vieux parieurs (y en a un qui ressemblait à José Arthur)

 

 

SILENT HILL

 

Mh, week end placé sous le signe des daubes (plus ou moins) rigolotes avec DESTINATION FINALE 3, HORRIBILIS (pas vraiment mauvais pour le coup, celui là), CUBE 2, CUBE 0, THE DETONATOR, GHOST SHIP et donc pour finir en beauté ce SILENT HILL qui s'annoncait si bien...

J'ai trouvé ca assez amusant mais vraiment très mauvais: le rythme est affreux ( ironie du sort, ce sont les seuls moments qui sortent du cadre du jeu vidéo - ceux du mari- qui détruisent l'atmosphère patiemment mise en place avant qu'on commence à éprouver le 1er frisson...-au final, le film ne fait d'ailleurs jamais peur et ne parvient que rarement à instaurer l'atmosphère de malaise propre à la série-), le coup des indices est parfois acceptable mais souvent ridicule (le moment où elle se met d'office à chercher dans les tiroirs fermés dans l'école et le coup du plan de l'hosto sont pour moi les plus criants), et le film veut tellement respecter les codes du jeu vidéo que ca en devient assez vite risible (le niveau "plateformes", la cutscene de récompense à la fin du niveau "hopital" - "bravo, tu as réussi: tu as gagné le droit de connaître la Vérité"..

Finalement, les points positifs de ce jeu vidéo sans manette sont bien sûr différents selon qu'on est amateur ou non de l'original: pour les fans, le fait de voir ce pot-pourri de séquences de jeu et de "cut-scenes" en qualité "film" sera bien sûr agréable, en plus du plaisir toujours rémunérateur pour l'ego de multiplier les clins d'oeils entendus au "connoisseur" qu'il est..

Pour les non-fans, il restera le plaisir de découvrir un univers assez typé et envoûtant à travers quelques bonnes séquences,

mais au final, quelque soit sa catégorie, pour peu que le spectateur ait le malheur d'être venu voir un film, il n'en ressortira pas satisfait à moins d'être capable de changer son fusil d'épaule pour savourer un bon moment de franche rigolade.. Enfin dans mon cas c'est comme ca que ca s'est passé..

J'ajoute que j'ai eu le malheur de voir la VF (pas de VO dans ma ville) et qu'elle est infâme, et que les musiques, légèrement remixées pour certaines - , sont très jolies, mais ca tout le monde le savait...
Sinon, j'ai trouvé que la plupart des bébêtes en synthèse étaient assez moyennes (décidement la synthèse et son effet "irréel" n'est vraiment pas la panacée pour les films d'épouvante), de même que certains maquillages (la dadame dans son lit à la fin). Le jeu des acteurs est aussi plus que discutable, mais après tout ce ne sont que des personnages de jeu vidéo.

Finalement, on parle sans arrêt de disparition des frontières entre cinéma et jeu, du jeu comme d'un art, etc etc... mais en voyant ce film qui se veut justement respecter point par point les canons du jeu dont il est tiré et du jeu en général et l'échec quasi total sur lequel ca débouche, c'est surtout la mièvrerie générale de ces codes qui m'a sauté aux yeux, et leur côté désespéremment artificiel qui fonctionne uniquement dans le cadre et le temps du jeu vidéo (remember remember, les batteries dans les statues).
Si Silent Hill le jeu - et le jeu vidéo en général- fonctionne bien dans ses emprunts aux codes du cinéma, on peut difficilement en dire autant de l'inverse.

 

LE SOLEIL

 

…Je viens de voir LE SOLEIL, d'Alexandre Sokurov.
Il fallait un réalisateur russe et l'aide de fonds italiens et français pour parvenir à filmer ce sujet toujours problématique au Japon: l'empereur Hirohito et son rôle dans la seconde guerre mondiale.
Plus précisément, le film est centré sur l'empereur durant la période qui suit immédiatement la capitulation japonaise, à l'été 45.
Il trace finalement un portrait relativement indulgent du souverain, passant sous silence l'épineux problème de sa responsabilité dans l'ouverture des hostilités et "l'acharnement thérapeutique" de la fin du conflit.
On nous montre un petit homme étrange, un peu perdu dans un dédale de salles et de tunnels et une étiquette compassée, maintenue envers et contre tout, qui va bien sûr se fissurer au premier contact avec l'Autre, l'américain.
On est très loin de La Chute et de son bunker écrasé par le poids de la haine, et on voit bien qu'ici, c'est celui de la tradition et du non-dit qui écrase l'homme et le pays derrière lui.

Car le film est réellement passionnant dans ce qu'il montre de ce qu'était (et est encore un peu) le Japon et sa mentalité: une combinaison d'ultra rationalisme et d'irrationnel absolu, cristallisée par l'empereur et parfaitement mise en relief par l'arrivée des américains (les face à face avec Mc Arthur sont, en ce sens, palpitants).

L'interprétation magistrale d'Issey Ogata amène aussi sur la fin des scènes franchements poignantes, où l'on voit comment un dieu peut redevenir un homme.

 

 

TAKESHIS

 

Je viens de voir TAKESHIS, le dernier Kitano.
C'est très, très mauvais.
une succession de clins d'oeils et de running gags parfois gentils mais sans grand intérêt. L'alibi de la métanarration ne sauve pas ce grand foutoir longuet, sans queue ni tête et assez vite ennuyeux.
Dommage.

 

 

V FOR VENDETTA

 

J'ai vu V FOR VENDETTA hier..
Je ne connais pas la bd originale, mais comme j'ai lu 1984 j'étais tout de même en terrain très familier (c'est rien de le dire).
EDIT/ oups, pardon, le scénario: dans une angleterre uchronique affublée d'un très seyant gouvernement totalitaire, un homme qui a subi un TERRRIIIBLE outrage un 5 novembre ("remember remember the fifth of november" ..hem) revient d'entre les morts pour se venger. Avec un masque à moustache figé dans un rictus moqueur. Et Nathalie Portman (croisée dans la rue).

Là aussi, bien que ca veuille dénoncer le totalitarisme et le tout sécuritaire et prendre une posture idéologique, ca manque la cible car c'est fait de manière vraiment très lourde.. (vous me remettrez un kilo d'homos brimés, de news détournées, de couvre feu, d'expériences eugéniques, de complots "on vous ment on est méchants" et "le vrai vilain terroriste n'est pas celui qu'on croit", etc etc)
Je ne suis pas trop fan des films à héros masqués, et celui là n'échappe pas à la règle avec son lot de petites, moyennes et grandes incohérences et invraisemblances sensées passer parce que "baaaahhh, c'est du comics quoiiii"..
Il y a là quelques scènes d'action mais vraiment rien d'extraordinaire, et c'est toujours sympathique de voir un univers à la 1984, mais bon là non plus le tout ne casse pas trois pattes à un canard grippé...
Dans le genre, celui là fait un peu mieux que le rigolo EQUILIBRIUM, hommage un rien trop appuyé à la SF selon Godard et Truffaut...

(Ca reste aussi bien mieux que le glacial THE DAY AFTER TOMORROW, vu just before, dans le même genre du "blockbuster à message". Apprécier la portée et la finesse de la charge écologique à l'aune du nom du réalisateur: Roland Emmerich. Ahh, là aussi, on brûle des livres, mais faut bien se chauffer quand dehors la glace prend à la vitesse de la lumière)

 

 

 

SOLARIS, STALKER


…Hier j'ai vu SOLARIS de Tarkovski. Je vais pas tartiner mais c'est vraiment très très beau et encore plus interessant. En plus, ca a clairement influencé des tonnes de films de SF et de ...jeux video (Silent Hill 2 énormément je pense, jusque dans la manière de découper les plans et de montrer Maria/Hari, et bien sûr dans l'histoire, + les rpg de Takahashi -Xeno/-, plutot dans l'ordre du gimmick par contre)

J'en ai vu un autre de lui, STALKER, qui est encore plus beau: je vous les conseille tous les deux. Par contre, il faut aimer ce qui est lent, avec de longues plages de silence entrecoupées de longs dialogues plus ou moins métaphysiques...

Pour mémoire: SOLARIS (1972) est une planète autour de laquelle gravite une station spatiale. La planète a d'étranges pouvoirs et semble avoir la capacité de sonder l'esprit des cosmonautes pour ensuite matérialiser dans la station des éléments de leur conscience. Il y a eu un remake pas mal avec Clooney il y a quelques années, mais vraiment l'original est beaucoup plus beau et vaste.

STALKER (1979) est l'histoire d'un type (le "Stalker") qui gagne sa vie en guidant des gens dans un endroit interdit d'accès à la suite d'une catastrophe nucléaire. L'endroit est paradoxalement une sorte de paradis originel à la végétation luxuriante, et il y guide deux personnes: l'Ecrivain et le Professeur. S'ensuivra une sorte de voyage intérieur dans la conscience des trois personnages, reflétée par les magnifiques décors. C'est très beau et la scène finale a sûrement influencé quantité de films SF ultérieurs...

 

 

JARHEAD

 

…J'ai vu JARHEAD tout à l'heure.

Du travail, carré, mais rien de neuf sous le soleil du Koweit. Rien, en tous cas, qui n'ai déja été dit dans les films précédents auxquels se réfère souvent celui de Sam Mendes, au demeurant bien convenu et paresseux derrière sa caméra.
Le message de l'embrigadement de jeunes écervelés partis et conditionnés pour faire la guerre et condamnés à ne (presque) pas la faire enregistré, on attend plus d'informations que les deux ou trois allusions obligées aux dessous du conflit, lui même bien déréalisé: pour filmer des corps calcinés , Mendes aurait pu revoir la magistrale HARPE DE BIRMANIE d'Ichikawa et cette sensation hallucinante et solennelle de proximité avec la mort qu'il dégage, avant d'improviser ses gentillettes séquences de conversation entre pot en terre (cuite) et pot en fer (le fameux 'jarhead'). Pour le reste, quelques allusions au manque d'identité d'une guerre écrasée par le poids de son aînée, quelques coups de crasse entre troufions et courses en sac sous le soleil, le tout filmé si serré qu'on en perd toute sensation d'espace ou de vraisemblance: 'war in the pocket' en somme, à la sauvette entre deux dunes et trois puits de pétrole...
(Je n'ai pas trouvé très fines les allusions à Apocalypse Now: les marines s'extasient devant les hélicoptères à l'assaut comme de bons petits chiens de guerre, et hop on coupe avant qu'ils n’aient le temps de se souvenir que le film traite de la folie des hommes envoûtés par la guerre. Bien sur, le spectateur lui s'en souvient et est sensé se dire: ouh! les lourds! Mais c'est un peu gros quand même, tout comme la manière d'interrompre DEER HUNTER et de souligner en gras la métaphore lourdingue...STARSHIP TROOPERS faisait ca, paradoxalement, bien plus finement.)


En bref, je trouve que finalement ce JARHEAD échoue à montrer les spécificités de ce conflit (il les montre certes, mais à la sauvette, comme un minimum syndical), et n'opère au final qu'un changement de décor tout en reprenant les thèmes et les moyens de ses glorieux ancêtres...mais j'oubliais la "métaphysique" moralité : "every war is different, every war is the same" (presque un slogan, mine de rien)

 

 

 

 

Ecrit par antonz, le Mercredi 25 Janvier 2006, 21:02 dans la rubrique "archives".

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