Ghost in the Shell : Innocence
--> Film d'animation japonais, 2004. Réalisation: OSHII Mamoru
Inaugurons ce log
avec la critique de ce bien joli film qu'est INNOCENCE, film d'animation
japonais de Mamoru Oshii sorti sur les écrans japonais en février 2004. Mes
premières impressions sur le film datent du premier visionnage, vers cette
époque (En japonais donc, langue que j'ai la chance de comprendre). J'ai
légèrement révisé mon jugement suite à un second visionnage, au moment de la
sortie française...
Premières
impressions (mars 2004)
On peut dire qu'il s'agit
d'une suite directe au premier film (chronologiquement en tous cas), et que le
choc est -presque-aussi grand qu'à l'époque (bientôt 10 ans mine de rien...)
D'un point de vue pictural et de mise en scène, le film est très, très
abouti. Peut être LE plus abouti (avant Steam Boy?).
Le héros est Bato, secondé par Togusa ainsi que quelques autres de la
section9 (moins qu'avant..l'atmosphère est bien plus intimiste.)
Sur le plan du scénario, et si j'ai bien tout suivi (pas évident...),
le film est un thriller plutôt basique du niveau d'un épisode lambda de la
série Stand Alone Complex (dont le moins qu'on puisse en dire est qu'elle ne fait pas
l'unanimité.)
Mais l'intérêt est ailleurs. Le propos du film est ici clairement la
frontière entre l'homme et la machine, l'homme et le cyborg, l'homme et
l'androide: bien plus que dans le premier film qui prenait les cyborgs et
autres robots comme un préalable et était surtout centré sur les possibilités
du réseau informatique et de la question du "ghost" dans de tels
réseaux, Innocence revient à la base du "problème".
Et la sensation qui se dégage du film d'Oshii est celle d'un pessimisme
désabusé presque sans fond. Alors que le premier film s'achevait sur une note
plutôt positive concernant l'avenir et les possibilités de développement humain
via le réseau (souvenez vous: "le net est vaste et sans limites"...),
Oshii en dix ans est visiblement bien revenu de tout cela, et l'accroche
d'Innocence ('l'innocence, c'est la vie")sonne après coup plus comme un
cri de désespoir et de nostalgie qu'autre chose.
Le film, pour renforcer cette atmosphère nostalgique omniprésente
(encore accentuée par la non-présence de Kusanagi dont on devine Bato
inconsolable), utilise diverses techniques (en plus d'une BO oscillant entre la
contemplation des morceaux éthérés du premier film et la nostalgie de pièces de
jazz chanté): l'image est sombre, les personnages émaciés, la palette
chromatique générale passe du bleu/vert du premier film à un orange/noir bien
moins guilleret, et la technologie semble avoir d'un coté basculé en arrière
depuis GITS1: les voitures notamment ont un look très"années 50", une
nostalgie palpable dans la vie quotidienne donc. Alors que de l'autre coté, les
technologies de pointe ont visiblement progressé depuis GITS1 (voir l'intro
"making of cyborg"réactualisée de manière très impressionnante).Bref,
un hyatus de plus en plus criant entre les racines de la vie et le point
culminant de l'artificiel atteint par les hommes.
(L'atmosphère générale du film et même son intrigue font à ce propos
beaucoup penser à Blade Runner...)
Du coup, le film tourne autour du thème des poupées (= premiers
androides créés) cassées, jetées, abandonnées par l'homme (pour le modèle
supérieur, comme les TV ou les voitures), voire rendues folles ou presque
"humaines" par la stupidité de leurs créateurs.
Et la frontière dès lors se fait de plus en plus ténue: la médecin
légiste qui analyse une "poupée-tueuse" soutient à Togusa brave père
de famille qu'un enfant n'est finalement pas plus humain qu'un androide. Lui se
récrie, mais la perception déjà se fait plus floue.
Le retour anecdotique de Kusanagi vers la fin du film ne fait que
souligner sa perte: il n y a plus rien, le temps de l'optimisme et des grandes
déclarations sur l'avenir est passé.
Après la résolution tout aussi anecdotique de l'intrigue principale,
les héros fatigués rentrent chez eux pour un repos bien mérité: Togusa ramène
un cadeau à sa fille dont le visage n'a pas grand chose d'enfantin et encore
moins d'innocent: une poupée qui lui ressemble. On lit bien des choses dans ce
dernier plan, mais surtout, la boucle est bouclée: Innocence, ou es tu?
En bref, un grand film, à voir en tandem avec le premier et à
replacer dans le contexte historique de la décennie qui les sépare. (Il est
amusant à ce propos de constater qu'un certain nombre de gimmicks du premier
film -l'ange de la fin, l'arbre, la poupee Kusanagi- sont repris et presque
tournés en dérision, en tous cas rangés au rang d'articles de musée)
Je pense que ce thème de l'évolution d'un espoir lié aux technologies
émergentes vers le désespoir de la prise de conscience qu'elles ne feront sans
doute qu'avilir l'homme et l'éloigner encore plus d'une innocence dèjà
largement perdue est vraiment bien choisi et rendu.
Edit après second
visionnage :
Hem, alors, après un
deuxième visionnage, je dois dire qu'un léger bémol est nécessaire: dans ma
première review du film, j'avais rapidement balayé le scénario comme secondaire
en me limitant à son sujet au qualificatif d' "anecdotique".
...Mais en fait, c'est plus gênant qu'anecdotique, car non content
d'être suprêmement quelconque, le scénario utilise les ficelles régulièrement
utilisées dans la série TV de Ghost, à savoir l' "embrouillage
volontaire" de scénarii à priori relativement basiques.
Cad qu'on rajoute
à une trame somme toute simplissime une bonne plâtrée de vocabulaire technique
et de circonlocutions oratoires et visuelles pour le moins cryptiques pour
créer une sensation de complexité et d'érudition ARTIFICIELLE (cf également les
citations littéraires, dont je persiste à dire qu'elles ne sont PAS ADAPTEES au
format vidéo, car - prononcées de surcroit à la vitesse d'une mitrailleuses par
des barbus virtuels mâchant de tout aussi virtuels chewing gum -, on ne peut
s'y arrêter pour les envisager calmement dans leur enchâssement dans l'intrigue
et la temporalité, comme on s'arrêterait durant la lecture d'un livre qu'on
poserait pour réfléchir à un passage particulièrement profond et ardu.
En
somme, la citation à outrance dans les films en général et dans celui-ci en
particulier me semble un moyen artificiel et on ne peut plus pompeux et
prétentieux (un peu comme ce post;) de se faire plus gros que le boeuf
(d'autant que dans Ghost -cf Salinger dans la série TV - la manière dont les
citations sont utilisées pour souligner un élément narratif est relativement
grossière et presque infantile de premier degré.)
En bref, J'aime beaucoup Ghost: Innocence
pour son atmosphère et la profonde sensation de nostalgie et de
mélancolie que parvient à dégager le tryptique "image-son-ton", mais de
là à en faire un chef d'oeuvre de
réflexion philosophique et/ou d'audace narrative via son scénario et
ses
dialogues, faut pas pousser mémère dans les cailloux du bas-côté.
(D'autant
qu'au deuxième visionnage, les ficelles vraiment grossières de la
progression
narrative du film se font plus apparentes, et avec elles le
déséquilibre
relatif de l'oeuvre au niveau de l'agencement du récit, assez sommaire
et
"cahin caha")..
Le site officiel du film (en japonais)
Critiques du film sur Cinémasie
Ecrit par antonz, le Vendredi 7 Janvier 2005, 21:40 dans la rubrique "archives".