GENIUS PARTY!
--> 7 courts métrages d'animation du Studio 4°C
Je viens de voir GENIUS PARTY, le film « omnibus » du
STUDIO 4°C formé de 7 courts métrages réalisés par de plus ou moins
grands noms de l’animation, sorti aujourd'hui et dont voici le site
officiel :
http://www.genius-party.jp (bandes annonces sur la page d’accueil)
Si
le premier étage de la fusée, absolument jubilatoire, décolle
parfaitement, j’ai eu la nette impression que la machine avait du mal à
trouver son second souffle, et ralentissait nettement avant d’atteindre
la stratosphère…
Les œuvres reprennent le plus souvent les thèmes de prédilection du studio : à savoir la pulsion de vie et l’imagination comme forces d’action positivistes (MIND GAME), deux éléments cristallisés par l’enfance (TEKKONKINKURÎTO – Amer Béton) ; mais aussi les questionnements sur l’identité et la notion de réel (Animatrix : Second Renaissance).
Les
trois premiers segments sont en plein dans ces thèmes de la pulsion de
vie - avec le segment générique de Fukushima Atsuko (1) : GENIUS PARTY, clip « zim boum boum » qu’on verrait bien projeté en rave, et de la force imaginative de l’enfance avec le délirant SHANGHAI DRAGON de Kawamori Shôji (2), qui remixe Cobra, les sentai, space opera et Opéra des Gueux
en lançant en prime un message idéologiquement bien sympathique puisque
c’est un gamin chinois qui y sauve le monde, ou encore le DEATHTIC 4
de Kimura Shinji (3) qui mixe les deux en proposant un univers de
petits monstres bien intentionnés qui cherchent à sauver un crapaud,
créature vivante égarée dans leur outre-monde démoniaque, le tout animé
dans un ahurissant style en semi-3D...
Jusque là, on est soufflé
par la vitalité incroyable qui irradie de l’écran, bien servie par une
animation d’avant-garde et une bande son techno-fanfare bien foutraque
et parfaitement appropriée.
On passe ensuite au second bloc, centré sur les questions de l’identité et du rapport au réel via l’Autre, avec le DOOR CHIME
de Fukuyama Yoji (4), dont l’animation et le mode narratif épurés
viennent – sans doute volontairement – contraster avec la furie des
premières pièces…
Cette histoire de jeune lycéen qui croit voir
apparaître un double de lui-même qui lui vole peu à peu son identité se
laisse regarder, mais cette SF urbaine froide et distancée – par
ailleurs très en phase avec la littérature contemporaine nipponne, on
pense notamment à Murakami Haruki – ne semble pas apporter grand-chose
au genre…
On passe ensuite au « plat de résistance », le LIMIT CYCLE de Futamura Hideki (5) (voir Second Renaissance,
dont il reprend certains codes visuels), sorte de cyber-psycho-micmac
visuellement intéressant mais terriblement indigeste et pompeux, dans
lequel un employé de bureau isolé dans son monde virtuel s’interroge
sur fond de fusions d’images de synthèses et de gravures scientifiques
et théologiques moyenâgeuses sur son Moi, sa réalité, Dieu et les
Autres via un monologue en voix off bien longuet… Le tout peut se lire
comme un commentaire et pendant au segment précédent, dont il viendrait
compenser les contenus narratif et visuel spartiates par ses
trop-pleins visuels et conceptuels. L’impression de trop-plein reste
malheureusement la dernière, et s’il fallait chercher la prétention
affichée par le titre de l’omnibus, c’est bien là qu’on la trouverait…
Heureusement, on revient avec YUMEMIRU KIKAI
(« la machine à rêves » ou plutôt « qui rêve ») de Yuasa Masa.aki (6)
au thème de l’imagination au pouvoir, avec ce bébé perdu dans son monde
intérieur qui y voit naître, vivre et mourir les plus extravagantes
créatures, dans un style visuel rétro fort sympathique…le loop final
(ressort familier des productions 4°C) qui souligne ce cycle de la vie
que même les machines cherchent à imiter, vient opportunément conclure
l’effet de vertige que l’introduction cauchemardesque du segment avait
engendré.
On termine avec BABY BLUE de Watanabe Shin.ichirô (7), le segment « commercial » du film (on y retrouve les voix du héros de NOBODY KNOWS et de la jeune héroïne sourde de BABEL,
ce que souligne abondamment la promo) : là encore, cette bluette qui
voit deux lycéens sécher les cours pour aller voir la mer – et enterrer
une grenade ! –, prétexte à évoquer leurs souvenirs communs, reprend la
thématique du pouvoir de l’enfance, mais sous l’angle nostalgique de
l’inévitable croissance qui voit les deux héros abandonner leur âme
d’enfant dans un dernier feu d’artifice.
Réalisé en pastiche aux
animes « de lycées », il en reprend les codes esthétiques, narratifs et
musicaux (Yôko Kanno peu inspirée au piano) tout en s’en moquant
discrètement, mais le tout est loin d’atteindre la puissance
d’évocation des autres segments centrés plus directement sur le même
thème, soulignant encore que si cet omnibus n’est jamais aussi fort que
quand ses auteurs consacrent leur puissance créative à célébrer la
pulsion de vie, il s’essouffle lorsqu’ils demandent à leurs créatures
de se retourner sur leur passé ou sur eux-mêmes…
Tout de même,
un bien bel omnibus flambant neuf et pétaradant (mais qui aurait peut
être gagné, si vous me pardonnez la métaphore, à laisser ses passagers
monter par l’arrière), à voir absolument pour ses premiers segments et,
tant qu’à faire, pour les autres…
PS: je précise en final qu'un second GENIUS PARTY comportant
de nouveaux courts métrages est également annoncé, certains d'entre eux
étant brièvement visibles dans le générique de fin de cet opus...
(1) Manie Manie, Robot Carnival, Akira…
(2) Macross, Ghost in the Shell, Aruna…
(3) Steamboy, Tekkonkinkurîto…
(4) Auteur de manga
(5) Animatrix: Second Renaissance II, Perfect Blue, Jojo…
(6) MindGame, Crayon Shin-chan…
(7) Cowboy Bebop, Macross Plus, Samurai Champloo, Animatrix…
Pour Garance: à toi, le bonheur...
Ecrit par antonz, le Samedi 7 Juillet 2007, 17:15 dans la rubrique "archives".