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The Wrestler

--> Film américain de Darren Aronofsky, 2008






THE WRESTLER
Portrait d'Orphée en Minotaure

Nous avons affaire ici à un mediamix d’un genre un peu particulier puisque l’œuvre forme en quelque sorte un diptyque dont l’une des parties serait le film et l’autre la vie de son acteur principal Mickey Rourke (cf l'accroche de l'affiche ci-dessus).

Il joue ici un catcheur sur le retour qui, 20 ans après son heure de gloire, cherche à renouer le fil d’une vie et d’une carrière à la dérive. Nous sommes donc dans le registre de la nostalgie, mais d’une nostalgie plus profonde qu’il n’y paraît de prime abord.

Si le film s’achève sur l’incertitude d’une dernière prise de catch condamnant sans doute à mort son auteur, qui pour la réaliser aura perdu sa fille, son amie, et finalement sans doute la vie, cette trajectoire se double en fait d’un happy end qui n’est autre que la renaissance de l’acteur Rourke lui-même, ce motif du « come-back », de la « renaissance » orphique (qui passe par un abandon du passé) constituant donc le Grand Récit consommé par le spectateur à travers le film lui-même et l’histoire touchante de son interprète.

Cette double détermination fait donc le produit narratif final : le film « informe » Rourke en conditionnant sa résurrection, Rourke « informe » le film en lui apportant son « authenticité » et son "happy end".

Au niveau second, c’est la nostalgie qui gouverne : nostalgie des années 80, de leur catch, de leur musique pour le spectateur, de sa famille en sus pour le héros, de la carrière d’acteur de celui qui l’interprète, alors en pleine gloire. Evidemment, cette nostalgie d’un « bon vieux temps » (fait de réussite sociale et de famille unie) doublée d’un retour au sommet « à la force du poignet » très américain fait de The Wrestler un film profondément conservateur. Même si la conclusion fait croire à une descente aux enfers sans lendemain et à un portrait d’une Amérique désabusée, la part extradiégétique du récit lui superpose la « success story » du come-back de Rourke.

Mais cette nostalgie au premier degré en dissimule une autre, plus profonde, qui permet même sans la présence de la « méta-histoire » de l’acteur, de conclure sur un « happy end » d’un autre genre et de satisfaire ainsi le spectateur à tout coup : la Nostalgie absolue, ou des absolus, celle du Grand Temps anhistorique d’où l’homme s’avance, déjà plus animal mais pas encore Homme, sous un ciel gouverné par les Mythes.
Ce retour à une primitivité de l’homme, c’est évidemment ce à quoi aspire le héros fatigué qui est sorti du Grand Temps (celui des mythes qui parlent faux pour dire vrai, à l’instar du catch*) et s’est traîné de là jusqu’à nous, dans la bassesse du relatif et de la perte d’identité (de catcheur à manutentionnaire à caissier, de père à loser, etc) : c’est sa part d’absolu que chasse Rourke/Ram en refaisant ce chemin de croix, qui va du sang à sa mort. Mais ce n’est pas à l’holocauste biblique qu’il tend, contrairement à l’analogie soulignée par son amie entre son surnom (le Bélier) et l’agneau sacrificiel des Ecritures : c’est bien plus loin qu’il charge, vers cette réunification de l’homme séparé par la modernité, à laquelle nous aspirons tous, réconciliation avec une animalité primitive et mythique qui précède de loin le paradis chrétien…le héros n’est pas « bélier », encore moins agneau, il est Minotaure.

Ainsi, en convoquant ces figures tutélaires, le film s’inscrit dans le phénomène moderne du retour au Mythe ("croyance absolue et immédiate dans le sens sacré qu'il véhiculait comme explication du monde et de l'être au monde de l'homme", cf. J.P. Sironneau), et participe de ce qu’André Siganos a qualifié justement de « nostalgie de l’archaïque ».


* catch dont Barthes, dans Mythologies (déjà!), écrit au sujet des acteurs: " les catcheurs restent des dieux, parce qu'ils sont, pour quelques instants, la clef qui ouvre la Nature." Il lit dans leur gestuelle "une signification pure et pleine, ronde à la façon d'une Nature.Cette emphase n'est rien d'autre que l'image populaire et ancestrale de l'intelligibilité parfaite du réel. Ce qui est mimé par le catch, c'est donc une intelligence idéale des choses, c'est une euphorie des hommes, haussés pour un temps hors de l'ambiguité constitutive des situations quotidiennes et installés dans la vision panoramique d'une Nature univoque [...]."
Quant à l'analogie entre Orphée et le lutteur, elle est soulignée par J. Chevalier qui remarque au sujet de l'époux d'Eurydice (Dictionnaire des symboles): " peut être est-il le symbole du lutteur, qui n'est capable que d'endormir le mal, mais non de le détruire, et qui meurt lui-même victime de cette incapacité de surmonter sa propre insuffisance."





...Un film à comparer avec Gran Torino de Clint Eastwood, qui condense ici en un seul film les thèmes développés dans son diptyque d'Iwojima: nostalgie communautaire, de l'honneur et du sens de l'Histoire que les Américains ont perdu mais que dans une étrange poussée d'orientalisme, il va chercher en Asie, dans une démonstration très appuyée et elle aussi encombrée par les Mythes (chrétiens cette fois, en plus du propre "mythe" d'Eastwood convoqué à l'instar de celui de Rourke dans The Wrestler). Du moins la nostalgie d'Eastwood se veut-elle porteuse d'un message d'espoir pour une Amérique exsangue mais revivifiée par cet afflux de sang neuf qu'elle a contribué à déraciner.

Ecrit par antonz, le Vendredi 27 Février 2009, 15:40 dans la rubrique "archives".

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Commentaires

The Wrestler...

Sayu

22-03-09 à 21:37

Tiens! Mon cours de vendredi dernier![20/03]

Comme je n'ai pu qu'approuver votre vision du film, je ne sais pas si j'ai beaucoup à rajouté à cet article, bien que, sur le cours au niveau de la nostalgie du temps passé, vous auriez pu aussi faire une comparaison avec The Curious Case of Benjamin Button (je ne sais si vous l'avez vu), qui est une véritable ode à l'âge d'or du cinéma Hollywoodien [avec ce magnifique plan sur Brad Pitt à la James Dean, j'en étais émerveillée] . Il est à noté que les films qui sortent actuellement, notemment Américains sont empreints de cette nostalgie, ce désir profond du retour à un cinéma plus proche, moins explosif [ne prenons pas en compte les quelques horreurs qui osent montrer le bout de leurs bandes].

Pour en revenir à The Wrestler, ce n'est pas seulement la résurrection de Mickey Rourke qui est entamé avec ce film, mais, on l'espère, une renaissance d'un cinéma de qualité. Un renouveau du cinéma américain qui est tombé tellement bas dans les abysses du buisness que cela me fait encore frissonner de dégoût. Et ce film à des plans tellement bien tourné que c'en est à pleurer de joie de voir une aussi belle maîtrise d'une caméra. 

Néanmoins, j'attends tout de même la sortie de Tokyo Sonata qui m'a l'air prometteur, mais je reste sur mes gardes, certes l'esthétique m'a l'air vraiment très belle, mais j'espère juste que Kiyoshi Kurosawa ne va pas nous dépeindre une enième fresque, presque clichée de la famille japonaise, il faut sortir un peu des stéréotypes.

Je crois que je vais arrêter de déblatérer ou vous souhaiterez juste que mes deux mains soient brisées du fait de mes ânneries.

Bien à vous.